Décembre est le mois des bilans : financier, stratégique, opérationnel.
On additionne, on compare, on arbitre. Mais il existe un élément clé que la plupart des organisations continuent d’ignorer : le bilan de santé mentale au travail.
1. Pourquoi le bilan traditionnel ne suffit plus
Les organisations investissent énormément d’énergie dans l’analyse des résultats, mais beaucoup moins dans l’analyse des conditions qui permettent ces résultats.
On mesure la performance mais on oublie de mesurer ce qu’elle a consommé.
Or, une équipe peut afficher de bons chiffres tout en étant à bout.
Elle peut réussir une année en laissant derrière elle une fatigue profonde, invisible, mais qui explosera quelques mois plus tard sous forme de désengagement, d’absentéisme ou de conflits larvés.
Faire un bilan de santé mentale, c’est remettre la réalité humaine au même niveau que la réalité business, et se donner les chances d’être résilients et mieux armés pour aborder l’année qui suit.

2. Quatre indicateurs concrets pour évaluer la santé mentale des équipes
Pas besoin de “baromètre du bonheur”.
Il suffit d’observer ce qui compte vraiment, d’améliorer les conditions pour travailler correctement.
1) La charge émotionnelle
- Nombre de situations difficiles traversées
- Tensions ou conflits non résolus
- Pression émotionnelle liée aux clients, aux délais, ou aux crises internes
Une équipe peut tenir — mais à quel prix ?
2) La charge cognitive
- Interruptions permanentes
- Multitâche imposé
- Complexité des projets
- Sentiment d’éparpillement
Si le cerveau fonctionne en mode “urgence” depuis des mois, il faut pouvoir l’entendre, le prendre en compte et trouver des solutions avant l’arrêt maladie ou le burn-out de ses collaborateurs.
3) La charge relationnelle
- Climat d’équipe
- Niveau de soutien perçu
- Qualité des échanges
- Capacité à demander de l’aide
Une équipe performante mais fracturée est une équipe en fragilité.
4) La charge structurelle
- Process trop lourds ou incohérents
- Priorités changeantes sans explication
- Sous-effectif chronique
- Manque de clarté organisationnelle
Quand la structure fatigue, les individus compensent — jusqu’à l’épuisement.

3. Associer les équipes… sans créer d’insécurité
La pire façon d’aborder la santé mentale ? L’imposer.
La seconde pire : l’évaluer comme un KPI.
Pour que le bilan soit utile — et sincère — on a besoin d’un cadre clair :
• Transparence totale sur l’objectif
On ne cherche pas à évaluer les individus.
On cherche à comprendre l’année, ensemble.
• Participation volontaire
Rien d’obligatoire.
Si la parole est forcée, elle n’existe plus.
• Questions ouvertes, jamais intrusives
Exemples :
- “Qu’est-ce qui a pesé cette année ?”
- “Qu’est-ce qui nous a soutenus ?”
- “Qu’est-ce que nous voulons éviter en 2026 ?”
On cherche à ouvrir des espaces, pas à faire passer un test psychologique.
Conclusion : Pistes d’actions pour l’année suivante
Un bilan mental n’a de valeur que s’il mène à des décisions.
• Ajuster les priorités
Réduire ce qui surcharge inutilement.
Clarifier ce qui n’a jamais été clarifié.
• Former des référents PSSM
Donner aux équipes les compétences pour réagir sans aggraver les situations.
(Premiers secours en santé mentale : un levier de prévention extrêmement efficace.)
• Créer des espaces de parole sécurisés
Pas de thérapie collective, mais des moments cadrés où l’on peut poser ce qui pèse.
• Observer les signaux faibles déjà visibles
Les irritants qui reviennent, les tensions sous-jacentes, les débordements émotionnels…
Tout ce qui murmure avant de crier.

